Le Grand Ramdam du 15 décembre 2022 à Montrichard, un laboratoire de méthodologies démocratiques pour la co-construction d’un réseau régional de Tiers-Lieux
Texte écrit par Marie Dagonneau, Chargée de mission au sein du Tiers-Lieu de l
La CRESS Centre-Val de Loire, au travers de l’outil de médiation « Ambition Tiers-Lieux », s’est notamment donné pour mission de soutenir le développement de Tiers-Lieux et d’impulser et contribuer à la mise en œuvre d’un réseau régional et autonome de ces nébuleuses territoriales, citoyennes et solidaires. Au-delà de l’accueil et de l’orientation spécifiques des projets, l’équipe dédiée de la CRESS a ainsi mobilisé en 2022 les acteurs des Tiers-Lieux régionaux autour de groupes de travail, d’Agoras, et d’évènements portant des réflexions thématiques diverses, les petits Ramdams. Ces derniers ont abordé tout au long de l’année des enjeux tels que l’éducation populaire, les arts et la culture comme leviers, le foncier, l’offre de fabrication, le financement des projets, l’implantation écosystémique des projets dans leur territoire d’ancrage, les modèles économiques, la démocratie citoyenne, le rôle de facilitateur, etc. À l’issue des 14 petits Ramdams organisés par l’équipe d’Ambition Tiers-Lieux, la commune de Montrichard s’est vu accueillir le Grand Ramdam le 15 décembre dernier : il s’agissait de réunir les acteurs des Tiers-Lieux de la région Centre-Val de Loire afin, d’une part, de faire le bilan de l’année écoulée et, d’autre part, de dessiner « do-ocratiquement » les perspectives du futur réseau autonome de Tiers-Lieux. Cette journée de travail collectif fut un modèle de procédé démocratique, un laboratoire de méthodologies participatives conviviales, apprenantes et écosystémiques.
Parce que cela a son importance dans le processus expérientiel de la démocratie, l’évènement débuta par le traditionnel petit déjeuner de bienvenue, cristallisant les retrouvailles et découvertes des uns et des autres. Chacun fut affublé d’une étiquette donnant nom et Tiers-Lieu représenté dans l’optique de faciliter et optimiser l’interaction. Les différents contributeurs rassasiés et identifiés, nous sommes entrés dans le vif du sujet, agités par l’équipe dynamique, efficace et bientraitante de Yoann Duriaux (cofondateur de Movilab, de la communauté des Tiers-Lieux Libres et Open Source Francophones et co-auteur du manifeste des Tiers-Lieux). Afin de stimuler la fibre citoyenne de chacun pour que le réseau de Tiers-Lieux jaillisse véritablement du commun, l’écoute, la parole, les crayons et autres post-it furent libérés selon les dispositifs suivant : dans plusieurs angles de la pièce, chacun pouvait ainsi recenser le Tiers-Lieu qu’il représente sur la carte participative ou encore noter ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, ce qui aurait pu marcher, ce qui ne marchera jamais dans la réalisation du réseau. Au-delà, le micro passa de main en main pour que tous puissent s’exprimer.
La première partie de la matinée fut consacrée au bilan quantitatif et qualitatif de l’année 2022. Le bilan qualitatif positif acte une bonne mobilisation des tiers-lieux, la création de nouvelles coopérations territoriales, la réussite du rôle d’accueil et d’orientation des porteurs de projets, le tissage de liens de confiance, etc. Quant aux éléments moins positifs, loin de poser des limites, ils ouvrent sur des pistes de réflexion quant à une amélioration de la mobilisation des groupes de travail, de la capacité de transmission des travaux communs, de l’acculturation des collectivités, de la mise en adéquations des besoins et de la commande publique, etc.
Sont ensuite intervenus les acteurs des groupes de travail collaboratifs (Transition écologique et énergétique, Foncier, Gouvernance, valorisation des compétences, Communication, Mutualisation), afin d’en présenter les accomplissements et les perspectives pour l’année à venir. Chaque production des groupes de travail, suivant un idéal incessamment démocratique, fut présentée par les acteurs des Tiers-Lieux eux-mêmes, exprimant par la même leur vision des chantiers multiples et empiriques que les entités citoyennes et solidaires suscitent perpétuellement compte tenu de leur agilité intrinsèque.
Les réseaux d’actions citoyennes et solidaires déjà existants – qu’elles se reconnaissent en Tiers-Lieu ou non – ont ensuite pris la parole, Ambitions Tiers-Lieux souhaitant ne pas commettre de redondance dans la structuration des réseaux d’initiatives. Le réseau AliiCe (Association des Lieux Intermédiaires et Indépendants de la région Centre-Val de Loire) a ouvert le bal : les 18 lieux singuliers de « création et de coopération artistique et culturelle », dits LII (Lieux Intermédiaires et Indépendants), œuvrent pour un maillage territorial fondé sur le soutien mutuel, l’échange de compétences et ressources, la construction d’un véritable et libre commun s’exprimant d’une seule voix. La FUN rassemble quant à elle, à échelle également régionale, des tiers-lieux dits « à pratiques numériques créatives » s’identifiant comme laboratoires de fabrication numérique et artisanale, laboratoires de recherche/création artistiques ou encore comme laboratoires citoyens numériques ecolotech. Enfin, les jeunes réseaux des LOUI (Lieu Ouvert Unique et Innovant) 18 (Cher) et 36 (Indre) ambitionnent construire des réseaux locaux facilitant l’interaction socio-territoriale, permettant de parler d’une seule voix aux divers échelons, collectant les moyens financiers pour l’organisation d’évènements mutualisés.
L’après-midi fut dédiée aux ateliers de co-construction de l’identité du réseau. L’objectif fut ici de poser les premiers jalons de la rédaction du futur manifeste du réseau régional de Tiers-Lieux, et de dessiner les contours définitionnels communs de l’appréhension de la notion. Nous fûmes divisés en trois groupes de réflexion qui allaient tourner de table en table afin que tous nous abordions de la façon la plus démocratique possible les questions strictement antinomiques mais complémentaires suivantes :
- « Qui sommes-nous ? Qui ne sommes-nous pas ? » visait à fédérer les tiers-lieux autour de valeurs et d’un langage commun, afin qu’ils se définissent par eux-mêmes au fil des débats suscités.
- « Pourquoi sommes-nous ensemble ? Pourquoi ne sommes-nous pas ensemble ? » orientait les discussions sur les pratiques, les désirs de et les limites du faire ensemble.
- « Où voulons-nous aller ? Où ne voulons-nous pas aller ? » priorisait la quête de sens en commun au travers des projections mutualisées des uns et des autres.
Ce laboratoire d’idées animé et arbitré par l’équipe de Yoann Duriaux s’est matérialisé sous la forme de tableaux graphiquement emplis de l’ébullition cérébrale qui fut la nôtre ; ils donneront lieu à une synthèse lors du prochain rendez-vous des Tiers-Lieux. Une raison de plus de nous rejoindre le 9 février au MAME (Cité de la Création et de l’Innovation) à Tours pour expérimenter, à votre tour, un modèle de procédé démocratique grandeur nature !
Bilan du Grand Ramdam des Tiers Lieux 2022